Réflexion à chaud à l’occasion de la sortie publique d’Async, parce que j’adore le sujet de la communication asynchrone.
Cible 1 : les débutants ?
J’ai envie d’aimer Async. La communication asynchrone a changé ma vie, et le monde irait mieux si c’était le moyen de communication par défaut, si on arrêtait de perdre du temps avec des points synchrones inutiles. Mais pour l’instant, je ne peux pas m’empêcher de rester sceptique sur Async. En l’état, j’ai du mal à voir comment ils vont faire comprendre les bienfaits de l’asynchrone aux personnes qui n’en sont pas déjà convaincues.
Le produit a pourtant l’air très propre, très bien fini. Mais pour les gens qui passent leur vie dans des réunions synchrones pour résoudre des problèmes qui se régleraient mieux en asynchrone, je ne suis pas sûr qu’une bonne UX suffise.
Pour qu’ils abandonnent leurs mauvais réflexes synchrones, l’expérience client ne doit pas être un peu meilleure, mais 10 ou 100 fois meilleure. La bascule doit paraître évidente, indispensable. Est-ce le cas aujourd’hui ? Je n’ai pas l’impression, hélas. Or, si l’expérience n’est pas 10 fois meilleure, il n’y a bien que par pression sociale que ce genre de personnes arrêteront de raisonner avec des réunions. Et à ce moment-là, bon courage à Async pour atteindre une telle masse critique.
À moins que les débutants ne se fassent convaincre par les habitués de la communication asynchrone ?
Cible 2 : les habitués ?
Et ceux qui — comme moi — pratiquent la communication asynchrone depuis belle lurette, ils en pensent quoi ? Ça va paraître un peu dur, mais je ne vois dans Async aucune innovation par rapport aux outils existants. Est-ce que je rate quelque chose ?
J’ai beau être convaincu à 200 % des bienfaits de la communication asynchrone, j’ai déjà tout ce qu’il me faut pour la mettre en pratique. Heureusement qu’on n’a pas attendu 2023 pour arrêter les réunions qui auraient dû être des discussions écrites ou des pages de wiki.
À mes yeux, l’enjeu n’est pas tellement de manquer d’outils pour bien communiquer en asynchrone. Les outils sont déjà là, et ils fonctionnent plutôt bien. Async ne vient résoudre aucun de mes problèmes. Le problème, ce ne sont pas les outils. Le problème, c’est surtout de faire comprendre à grande échelle à quel point les échanges synchrones sont coûteux et inefficaces dans la majorité des cas.
Cible 3 : les sursollicités ?
Si je ne suis pas dans la cible, alors réfléchissons à ce qu’Async présente comme son cœur de cible : les personnes débordées, qui font trop de réunions dans leur vie. Pour résumer, il s’agit des personnes qui ont plus de sollicitations que de temps disponible pour les traiter.
Après tout, peut-être qu’Async ne cherche pas à convaincre tout le monde de l’asynchrone, et que convaincre les C-levels et autres top managers débordés suffira. C’est vrai qu’ils sont suffisamment nombreux pour leur assurer un certain succès en cas d’adoption unanime.
Donc imaginez, vous êtes Thibaud Elzière et vous recevez des centaines de sollicitations par jour. Des milliers de messages de personnes qui veulent prendre un café, passer du temps avec vous, just quickly pick your brain about something, you know.
Même avec tous les filtres Gmail du monde et des réflexes d’inbox zero dignes de Xavier Niel, votre boîte mail est littéralement ingérable. À chaque fois que vous répondez à un quelqu’un, vous avez reçu quarante-sept nouvelles sollicitations entre-temps. La vague est juste trop grande.
Alors comment vous faites ?
Le synchrone comme seul filtre ?
Eh bien vous n’avez pas bien le choix, en réalité. Votre seule manière de vous en sortir, c’est de… faire des réunions. Des putains de réunions. Vous n’imaginez pas comme ça me fait mal de le dire. C’est pourtant la triste réalité : pour ce genre de personnes, j’ai l’impression que les réunions sont finalement la seule réponse à ce problème de volume délirant.
Le côté chronophage des réunions synchrones devient finalement une force : il limite votre fenêtre de sollicitations à dix ou quinze heures par jour. La limite est ferme et physique. Elle existe ! C’est l’inverse des boîtes de réception — qu’elles contiennent des e‑mails ou des messages vocaux retranscrits (cas d’Async) — qui elles n’ont aucune limite, par définition.
Alors qu’il leur est physiquement impossible de traiter correctement 5000 e‑mails par jour, ce genre de personnes peuvent toujours espérer traiter correctement une dizaine de réunions par jour. Les réunions synchrones deviennent alors un proxy décent et, paradoxalement, la moins mauvaise des solutions. Si on m’avait dit que j’écrirai un jour sur les bienfaits des réunions synchrones sur mon propre blog…
Mais revenons au produit Async. Est-ce que le CEO surchargé gagnera vraiment du temps quand n’importe qui pourra lui envoyer une note vocale sur Async, si bien retranscrite soit-elle ? Honnêtement, j’ai du mal à y croire. Si ça mérite vraiment son attention, le sujet finira probablement… dans une réunion.
Pour qui ?
Vous voyez où je veux en venir. Si Async.com ne convainc ni les débutants, ni les habitués de l’asynchrone, ni ceux qui passent leur vie en réunion… Alors qui leur reste-t-il ? C’est ce que j’ai du mal à comprendre dans leur proposition de valeur. Je ne comprends pas bien à qui ils enlèvent une épine du pied, à qui ils s’adressent vraiment. Je veux bien qu’on m’explique, et cet article est peut-être fait pour ça.
Car malgré mon scepticisme de pisse-froid à côté des commentaires enjoués de Product Hunt, je souhaite tout le succès du monde à Async. Parce qu’une fois qu’on a compris la puissance de la communication asynchrone, il est impossible de revenir en arrière.
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