Depuis plusieurs années, j’ai un besoin récurrent dans ma vie : démontrer les répercussions colossales que peuvent avoir les petites optimisations récurrentes. Vous savez, le genre d’actions tellement minuscules qu’il semble dérisoire de chercher à les optimiser. Sur le moment, ça paraît plus ridicule qu’autre chose.
Mais je vous parle ici d’actions qui ont lieu des dizaines, voire des centaines de fois par jour. Et qui vont parfois se répéter pendant toute votre vie. Si bien qu’en réfléchissant à long terme, ces optimisations peuvent véritablement faire gagner des centaines d’heures. Tout ce que je fais avec Alfred ou des raccourcis clavier, par exemple.
Si vous traînez par ici, il y a des chances que vous ayez de bonnes prédispositions pour saisir l’intérêt de ce genre de raccourcis, sans trop vous forcer. Mais pour faire comprendre ça à la plupart des gens, c’est une galère sans nom. Rien n’est plus difficile que faire changer de mauvaises habitudes. Y compris lorsqu’une personne est philosophiquement convaincue des bienfaits d’une telle manœuvre. Tant que ça ne l’empêche pas d’arriver à ses fins, elle a toutes les chances de continuer à faire comme avant. À faire en dix clics ce qu’elle pourrait faire en un raccourci clavier. Deux cents fois par jour.
Le problème de fond, c’est que notre cerveau n’est pas très bon pour évaluer les effets bénéfiques de long terme que peuvent apporter ce genre de micro-optimisations. On aime bien avoir des résultats immédiats, sans devoir attendre des mois pour que ça devienne significatif.
Non mais t’es gentil Jo avec ton raccourci, mais ce truc ne me prend vraiment qu’une seconde à faire, tu sais !
Oui d’accord, mais tu le fais 150 fois par jour. 😬
Cette prime aux bénéfices immédiats (plutôt que différés avec intérêts composés) est très pernicieuse, car elle ne nous incite pas à prendre les meilleures décisions de long terme. Celles qui, au passage, sont souvent les plus ennuyeuses à court terme. Un peu comme pour l’alimentation, l’épargne, le sport, ou tout autre sujet avec une influence énorme sur nos vies, mais dont les effets — positifs ou négatifs — ne se voient qu’à long terme.
Quand je me retrouve à montrer Alfred à quelqu’un, je peux comprendre un certain scepticisme lorsque je lui explique qu’un truc qui fait gagner cinq secondes va changer sa vie. Pourquoi s’embêter à changer ses habitudes pour un gain qui paraît si faible ?
La réponse, c’est que les gains en question sont justement loin d’être faibles. Selon la véritable fréquence de la tâche, ils peuvent même s’avérer gigantesques. Sauf que j’ai toujours eu du mal à le démontrer. Surtout dans le contexte d’une discussion improvisée.
Ça vaut le coup ?
Alors maintenant, j’essaie d’appuyer mes convictions profondes par des preuves concrètes, des chiffres factuels. Avec l’aide du talentueux Cédric, nous avons construit un petit calculateur de temps gagné. Il s’appelle « Ça vaut le coup ? », ou CVLC pour les intimes :
CVLC m’aide beaucoup à créer des déclics, à faire prendre conscience aux gens de la puissance des effets cumulés. Avec les chiffres sous les yeux, c’est tout de suite plus probant. Ils se rendent compte que oui, ça vaut le coup de passer quelques heures à changer certaines habitudes, quand on voit le temps que ça peut faire gagner sur plusieurs années.
J’ai ainsi pu découvrir que mon aspirateur robot me fera gagner plus de 700 heures sur un horizon de 10 ans — ce qui fait beaucoup relativiser sur son prix. J’ai pu mettre des chiffres derrière le plaisir quotidien de sélectionner du texte au clavier. Et surtout, appuyer ma théorie selon laquelle le lave-vaisselle est la plus belle invention du monde. (Après Alfred, restons sérieux.)
Seuil de rentabilité
Quand on réfléchit à optimiser une tâche, ce qui nous intéresse foncièrement, c’est le seuil de rentabilité. Au bout de combien de temps ce sera rentable ? Si je me décide à mettre en place cette optimisation, au bout de combien de temps j’aurai gagné plus de temps que si je continuais à faire ce truc manuellement ?
C’est finalement la seule question qui nous intéresse. En remplissant quelques champs, la réponse vous sera gracieusement fournie par CVLC, d’une façon que j’espère plus pratique que le magnifique xkcd dont je me suis inspiré.
En passant 10 minutes à créer une règle Hazel qui range vos factures à votre place, vous saurez maintenant que l’opération sera rentable en moins d’un jour. En fait, même si ça vous prenait une heure à mettre en place, vous seriez gagnant au bout de seulement 6 jours !
À l’inverse, CVLC permet aussi de se prémunir contre l’overengineering, auquel les fanatiques d’optimisation comme moi ont parfois tendance à succomber. Parfois, quand le seuil de rentabilité n’arrive qu’au bout de 15 ans, il faut bien admettre que non, ça ne valait pas forcément le coup de passer des heures à se battre avec Zapier pour automatiser cette tâche, manifestement pas si fréquente.
Du reste, vous aurez maintenant les chiffres sous les yeux pour prendre une décision rationnelle, quand il s’agira d’estimer si ça vaut le coup. Mais attention, car ces chiffres de temps gagné sont loin d’être les seuls dans l’équation.
Quand les gains psychologiques dépassent les gains mathématiques
Vous savez le pire, dans tout ça ? Même quand ils sont validés par des chiffres implacables, je ne suis même pas sûr que ces gains de temps soient le premier intérêt de ce genre de petites optimisations. Évidemment, vous pourrez utiliser toutes ces heures gagnées pour faire des choses plus utiles.
Mais selon moi, le premier intérêt est quelque chose de difficilement mesurable. Le bénéfice premier, c’est un certain confort d’utilisation au quotidien, un état de satisfaction qui découle de l’efficience de ces optimisations. Un plaisir, même. Un bien-être psychologique, celui d’être libéré d’une tâche plus ou moins répétitive et pénible. Au-delà de la mesure brute de temps gagné, c’est bien cet aspect psychologique qui me semble prévaloir.
C’est lui qui me pousse à automatiser ces tâches, à apprendre de nouveaux raccourcis clavier, à minimiser la moindre micro-friction. Avant de calculer combien de temps ça me fera gagner, je me projette surtout dans mon confort futur, en m’imaginant que je n’aurai plus à m’embêter avec cette tâche à la con. Ou qu’elle sera au moins plus agréable à faire qu’avant. Le niveau de satisfaction est d’autant plus élevé que la tâche sera récurrente pour le reste de ma vie.
Quoi de plus plaisant qu’un système qui tourne comme une horloge, qu’une action parfaitement optimisée de bout en bout ? On se sent comme libéré de la fatigue psychologique associée à ces tâches récurrentes. L’effet pervers, c’est que cette sensation est encore plus frustrante quand vous savez que la tâche pourrait être simplifiée ou automatisée. Alors quand vous y parvenez, c’est encore plus agréable. Et ça, je crois que ça dépasse les simples gains de temps mathématiques mis en évidence par CVLC.
Optimisations en plus = interruptions en moins
Ce que ne calcule pas non plus CVLC, c’est le coût réel des interruptions : le temps nécessaire à retrouver sa concentration. Plusieurs études (comme celle-ci) s’accordent à dire qu’après la moindre interruption, il faut compter plus de 20 minutes (!) pour se reconcentrer sur sa tâche initiale. Difficile de généraliser ce chiffre, mais peut-être que nous devrions intégrer ça dans notre calculateur, d’une manière ou d’une autre.
Car c’est peut-être le vrai bénéfice pour toutes ces tâches que vous avez optimisées ou automatisées. Toutes ces petites optimisations vous épargnent une certaine charge mentale, et vous protègent d’une multitude de distractions, d’interruptions potentielles. Gardez ça en tête si jamais les chiffres donnés par CVLC vous paraissent un peu faiblards. Au fond, c’est souvent dans cette prime à la concentration que se trouve l’essentiel du temps gagné.
C’est Vous Les Clients
Je ne me sers pas de CVLC tous les jours, mais je suis bien content de l’avoir à mes côtés quand le besoin se fait sentir. Il m’a déjà permis de mettre fin à plusieurs débats interminables. Alors qui sait, peut-être qu’il pourra être utile à d’autres personnes. Ne vous gênez donc pas pour en profiter, c’est gratuit.
Nous avons fait en sorte que vous puissiez facilement créer des liens partageables. Avec un peu de chance, ils vous aideront à convaincre des interlocuteurs sceptiques du bien-fondé de vos plus belles idées d’optimisation. Utilisez CVLC pour passer d’une opinion à une démonstration factuelle. C’est assez imparable.
- CVLC (web) • https://cvlc.fr
- Calculateur de temps gagné.
- J’utilise depuis 2020.
- Alternative : ce tableau.
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🙏 Merci pour votre lecture
Je sais que votre attention a beaucoup de valeur, dans ce monde où ceux qui essaient de la capter sont de plus en plus nombreux. Votre temps, lui, n’est pas extensible, alors ça me touche d’autant plus.
Si mes textes vous ont apporté quelque chose et que vous aimeriez rendre la pareille, le mieux est d’en parler autour de vous. Si vous êtes conscient du temps que ça représente, vous pouvez aussi m’offrir un thé.
💬 Commentaires et contributions
La transmission est souvent synonyme d’amélioration. Je partage mes façons de travailler pour que n’importe qui puisse me dire des choses comme : « Hey, c’est pas du tout optimisé ton truc là ! Pourquoi tu n’utilises pas plutôt cet outil ? »
L’optimisation est un chemin sans fin. On trouve toujours des moyens pour être plus efficace. Si quelque chose ne vous semble pas optimal, expliquez-moi comment je pourrais m’améliorer. 💙
Racontez-moi votre organisation, vos problèmes, vos outils favoris. Je pourrais écouter des gens m’exposer leurs workflows personnels pendant des heures.