📆 Publication initiale : août 2022.
✍ Dernière mise à jour : septembre 2022.
⚠️ L’importance des dates
Les outils évoluent sans cesse, bien plus vite que ma bande passante pour maintenir à jour cette base de connaissances (car ce n’est pas mon travail à plein temps, m’voyez).
Il est possible que le contenu de certains articles ne soit plus tout à fait valable au moment où vous le lisez. Remettez donc toujours les pages dans le contexte de leur date d’écriture, c’est important.
J’ai toujours eu une relation particulière — pour ne pas dire obsessionnelle — avec les éditeurs de texte.
Quand je passais mon temps à tester tous les clients Markdown du marché, il ne s’agissait pas seulement d’accomplir ma quête sans fin des meilleurs outils, ni d’assouvir mes pulsions d’early adopter plus ou moins futiles. Il s’agissait surtout de répondre à un besoin primaire de mon quotidien, dont le niveau de récurrence est difficile à battre : écrire et manipuler du texte.
Avec le temps que je passe à taper sur mon clavier, il est important que ces kilomètres de texte puissent évoluer dans les meilleures conditions.
La révélation Notion
Récemment, en discutant de Notion dans un podcast, je me suis souvenu à quel point la qualité de son éditeur de texte a été déterminante dans mon adoption de cet outil. Et plus important encore, à quel point cet éditeur exceptionnel me retient sur cet outil.
Tout polyvalent qu’il est, Notion ne fonctionnerait pas aussi bien s’il ne s’appuyait pas sur un éditeur de texte aussi performant. C’est vraiment le socle, les fondations sur lesquelles repose toute l’expérience client.
Avec la popularité grandissante de Notion (on en arrive quand même au stade où le moindre startuper ne peut s’empêcher de raconter sur LinkedIn — sauts de ligne et carrousels à l’appui — comment il utilise les fonctionnalités élémentaires de Notion), il me semble qu’on va même au-delà des enjeux de fidélisation, puisque cet incroyable éditeur est en train de tirer vers le haut une industrie tout entière.
En ayant l’habitude de rédiger dans Notion depuis 2017, écrire du texte ailleurs est devenu pour moi une régulière source de frustration. On parle de réflexes d’efficience, de raccourcis clavier bien ancrés. Et quand ils ne fonctionnent pas dans un autre éditeur de texte, d’une désagréable sensation de régression.
C’est bien simple : l’immense majorité des éditeurs de texte n’arrivent pas à la cheville de celui de Notion. Au lieu d’en faire une fatalité, essayons plutôt de comprendre pourquoi.
Temps, concentration et souci du détail
Comme souvent, je ne crois pas qu’il y ait de recette miracle. Pour faire un bon éditeur de texte, il suffit finalement d’une seule chose : lui consacrer le temps qu’il mérite. Et c’est bien là où ça se complique, là où les perceptions vont commencer à diverger. Car tout dépend de ce qu’on entend par « le temps qu’il mérite ».
Dans le cas de Notion, il me semble que ça a pris au moins deux ans. Deux ans à ne faire que ça, sans vraiment avancer sur les autres facettes du produit. Une sorte de long tunnel de persévérance, le temps de patiemment reconstruire tous les fondamentaux, et d’ajouter au passage quelques nouveautés mûrement réfléchies.
En 2021, alors que l’éditeur de texte de Notion frise déjà la perfection, ils décident de le réécrire intégralement. Le but ? Résoudre ce qui s’apparente à son seul petit bémol : la sélection de texte qui s’étend sur plusieurs blocs. L’étendue du chantier pour corriger cette petite lacune ? Six mois de travail à temps plein, une centaine de pull requests, et 26 247 nouvelles lignes de code. Oui oui :
– Alors, comment t’expliquer…
Qui est prêt à faire cet effort ? À mettre autant d’énergie sur ce seul sujet, en mettant tous les autres de côté ? Pas grand monde, je suppose.
Alors qu’il a des pouvoirs de fidélisation démesurés, l’éditeur de texte est souvent perçu comme une sorte de commodité. Et pourtant, c’est un exercice difficile. Outre le temps et la persévérance, il faut le savoir-faire (parfois ingrat), la patience et la discipline pour exécuter parfaitement les moindres détails qui font qu’un éditeur de texte sera agréable à utiliser sur le long terme. Mais quel genre de détails, au juste ?
La recette de l’éditeur de texte idéal
Mon fétichisme des éditeurs de texte n’ayant pas échappé à certains entrepreneurs talentueux, il m’arrive d’en discuter avec ceux qui ont compris que cette étape (bâtir un éditeur de texte performant, en lui donnant les ressources qu’il mérite) était cruciale dans la construction de leur produit. « Si notre éditeur arrive à plaire à un relou comme lui, alors on doit commencer à être pas mal. » Logique imparable.
Ça tombe bien, car à force de tester tous les éditeurs de texte du marché, j’ai fini par formaliser une liste de critères qui font selon moi un bon éditeur de texte. C’est évidemment personnel, et je n’ai pas assez d’ego pour appeler ça le test de Lefèvre. Voyez plutôt ça comme une grille d’évaluation d’un examinateur (le plus tatillon de tous) pour la Coupe du monde des éditeurs de texte.
Au lieu de me fier uniquement à mes impressions durant un test rapide, je m’appuie sur ma liste pour être sûr de ne rien oublier. Il serait quand même dommage d’investir du temps et de l’attention dans un certain éditeur, pour finalement se rendre compte qu’il vous oblige à prendre votre souris pour déplacer des paragraphes. Et puis quoi encore.
Allez, trêve de suspense. Si d’aventure vous construisez un éditeur de texte (bon courage !), voici ce que vous devez faire pour passer le contrôle technique des relous dans mon genre :
Checklist de mon éditeur de texte idéal
- Frappe fluide, performances satisfaisantes
- Interface minimaliste, peu de distraction au moment d’écrire
- Bonne prise en charge des snippets (plus généralement, du ⌘V)
- Bonne prise en charge des raccourcis habituels pour manipuler du texte au clavier (⌥←→, ⌥⇧←→, ⌘←→, ⌘⇧←→ etc.).
- Prise en charge des espaces insécables
- Raccourcis habituels de mise en forme
- ⌘B pour mettre en gras
- ⌘I pour mettre en italique
- ⌘U pour souligner
- ⌘K (ou mieux, ⌘V directement sur la sélection) pour ajouter un lien
- ⌘E (ou autre) pour mettre au format
chasse fixe
- ⌘⇧S (ou autre) pour
barrer - ⌘D pour dupliquer
- Raccourcis Markdown en début de ligne
- Listes à puces avec
-
ou*
, voire+
- Titres avec
#
,##
et###
, voire plus - Citations avec
>
ou"
- Cases à cocher avec
[]
- Listes numérotées avec
1.
, etc.
- Listes à puces avec
- Système de blocs
- Sélectionner blocs au clavier
- Déplacer blocs au clavier
- Y compris quand on change de direction, c’est-à-dire qu’on veut enlever des blocs de la sélection (ou en remettre) avec ↑↓
- ⌘D pour dupliquer un bloc
- ⌥+clic pour dupliquer + déplacer un bloc
- Choisir un type de bloc au clavier (
/commande
)
- Indentation (d’au moins 2 niveaux) avec la touche tabulation ↹
- Sur les listes à puces
- Sur les listes numérotées
- Sur les cases à cocher
- Sur les citations
- Désindentation avec ⇧↹
- Sélecteur d’émoji efficace avec
:
- Séparateurs avec
---
(ou autre) - Gestion des tableaux
- Encadrés
- Menus dépliants
- Titres dépliants
- Export correct si on copie-colle vers un autre éditeur
- Importation correcte si on copie-colle depuis un autre éditeur
- Accueillir un énorme bloc (avec mise en forme variée) d’un coup
- Exemple d’article à copier-coller sauvagement
- Accueillir un énorme bloc (avec mise en forme variée) d’un coup
Voilà voilà. Comme vous pouvez le voir, ça fait beaucoup de choses à penser. Ou plutôt à exécuter (proprement), maintenant que vous avez la liste. J’ai même dû oublier quelques critères. Malgré cela, faites le test, et vous verrez que l’immense majorité des éditeurs de texte ne passent pas mon contrôle technique.
En poussant la logique, je pourrais presque attribuer des pondérations à chaque critère, pour donner un score vaguement objectif à tous les éditeurs de texte que je passe au crible. Mais depuis que celui de Notion a coché toutes les cases et que je ne trouve plus grand-chose à lui reprocher, j’ai un peu l’impression qu’un cycle se termine.
Notion a terminé le jeu des éditeurs de texte. Ça aurait pu être un jeu Housemarque : easy to learn, hard to master. La plupart des apps ne passent pas le troisième niveau, mais Notion a battu le boss final. Fin du jeu, fin de l’article.
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