Étant moi-même freelance depuis 2016, j’ai dû passer par les joies comptables et administratives de la création d’entreprise. Même si c’est plutôt léger lorsque vous êtes microentrepreneur, vous avez l’obligation d’utiliser un compte bancaire spécifique à votre entreprise. Dit autrement, vous ne pouvez pas utiliser votre compte courant personnel pour gérer les sous de votre entreprise (sauf si vous faites moins de 10 000 € de recettes par an). Ce qui est plutôt sensé.
Si vous en parlez à votre banque traditionnelle (celle avec des agences physiques, des interfaces horribles et des conseillers commerciaux qui changent tous les trois mois), elle vous incitera probablement à créer un compte bancaire professionnel. Il vous sera facturé plusieurs dizaines d’euros par mois et vous donnera droit à une carte bancaire, un chéquier, des procédures de sécurité préhistoriques, des factures incompréhensibles, une considération médiocre et des interfaces clients encore plus abominables que pour les particuliers — c’est dire. Bref, ne faites surtout pas ça.
Une meilleure solution consiste à ouvrir un second compte courant à votre nom, qui vous permettra de différencier vos flux financiers personnels de ceux de votre microentreprise. C’est ce que j’ai fait lorsque j’ai voulu me faire payer mes premières factures en 2016. Je n’ai pas fait le benchmark de toutes les banques à l’ancienne, mais dans mon cas, ce second compte courant ne m’a rien coûté.
On ne peut pas dire que ce soit une solution élégante compte tenu de la pauvreté des expériences client des banques traditionnelles, mais c’est possiblement la moins chère. Et puis en 2016, Shine n’existait pas.
Néobanque Établissement de paiement
Shine s’est vite retrouvé sur mon radar de start-up à suivre, tant sa raison d’être — simplifier la vie administrative des travailleurs indépendants — coule de source. Elle fait partie de cette vague de néobanques qui s’attaquent à un problème qui crève les yeux, tellement les acteurs bancaires traditionnels sont à la ramasse sur les besoins des clients professionnels.
En France, la vague a commencé sérieusement en 2016 avec le lancement de Qonto, qui a rapidement séduit de nombreux clients avec une sensibilité technologique, exaspérés par la médiocrité des banques traditionnelles à servir les petites entreprises. Depuis le temps qu’on attendait ça !
Shine est arrivé un peu plus tard (bêta fin 2017, ouverture au public en février 2018), mais avec un positionnement plus tranché : s’adresser aux freelances uniquement. Ils ont conservé cet angle « individuel » avant d’élargir leur offre aux TPE (SASU, EURL, EI, SAS, SARL) en 2019.
Les barrières à l’entrée pour créer une néobanque (terme relativement trompeur désignant ces établissements de paiement sans licence bancaire qui, n’ayant pas l’autorisation légale d’utiliser le mot « banque », ont cherché une expression qui s’en approche) s’étant effondrées avec l’arrivée d’acteurs comme Treezor, j’imagine qu’on n’a pas fini de voir arriver des initiatives qui veulent combler les lacunes évidentes des banques traditionnelles en matière d’expérience client. Surtout dans cette période où l’entrepreneuriat est à la mode.
« Copilote pour freelance »
Avec mon second compte courant dans ma banque historique, j’avais un système relativement bien rodé pour les finances (basiques) de ma microentreprise. Mais comme Shine était gratuit au départ (ce n’est plus le cas désormais) et que j’aimais bien leur vision, j’ai créé un compte chez eux début 2018.
Outre les interfaces nettement plus contemporaines que celles de ma banque historique, ça m’a permis d’avoir une carte bancaire spécifique à mon activité de freelance.
Si vous êtes déjà habitué aux néobanques, vous ne serez pas particulièrement bluffés par le fonctionnement de Shine, même si ça fait toujours plaisir de voir arriver de belles expériences client (comme l’instantanéité des transactions sur votre compte) dans un contexte professionnel. De mon côté, l’agréable transition a eu lieu en 2016 lorsque j’ai découvert l’expérience N26 ; pas grand-chose de neuf de ce côté-là.
Mais le caractère bancaire de Shine n’est finalement qu’une conséquence de son ADN : simplifier la vie des indépendants. Il se trouve que le compte bancaire pro est un peu la colonne vertébrale de l’activité du freelance. C’est là que vont transiter ses contraintes administratives et financières. Shine a donc profité de la démocratisation des offres de Banking as a Service pour proposer lui-même un compte bancaire. Et force est de constater que le résultat est au rendez-vous.
Au-delà de ce volet bancaire, les équipes de Shine se définissent elles-mêmes comme un « copilote administratif » pour freelance. Elles souhaitent fournir un véritable assistant personnel, et non un simple compte bancaire. L’écran d’accueil de l’app se présente ainsi comme une inbox, avec des notifications visant à réduire la phobie administrative : rappels de charges à payer, échéances diverses, suivi de factures, etc.
J’utilise Shine pour créer et envoyer mes factures à mes clients. En suivant un simple lien, ces derniers peuvent facilement me payer par virement ou carte bancaire.
Quand vous recevez le paiement d’une facture, Shine estime le montant que vous devez provisionner pour payer vos futures charges Urssaf ou autres cotisations sociales. Tous les cas de figure ne sont pas encore réglés comme des horloges, mais tout est fait pour alléger votre charge mentale et vous épargner la moindre déconvenue.
Or les déconvenues sont vite arrivées dans la jungle administrative qui sert de terrain de jeu aux travailleurs indépendants. C’est pourquoi, outre son produit, Shine fait un gros travail de pédagogie sur toutes les questions administratives que peuvent se poser les indépendants. Cela se manifeste par beaucoup de contenu en ligne :
- des fiches pratiques ;
- des articles sur leur blog ;
- des livres blancs du genre « Freelance vs. Salarié, quel statut est le plus avantageux ? » ;
- un forum (sous Discourse 😍) ;
- un groupe Facebook plutôt actif ;
- un site d’aide ;
- une feuille de route publique où il est possible de voter pour les futures fonctionnalités ;
- un service client qu’ils mettent régulièrement en avant, et qui semble vraiment faire partie de la proposition de valeur.
On s’y perd un peu, mais les articles sont toujours clairs et didactiques. Ils nous épargnent le langage formel qu’on trouve habituellement en réponse à nos questions administratives. On sent que Shine fait le maximum pour aider leur communauté de clients. Et comme la paperasse n’a jamais été une passion populaire, ils ont un boulevard pour se positionner sur ce créneau avec l’authenticité qui les caractérise.
Bien que libres d’accès, tous ces contenus font un peu partie du « package » Shine. J’aurais bien aimé avoir autant d’info au moment où j’ai dû faire moi-même toutes les démarches pour lancer mon activité. Aujourd’hui, Shine propose carrément de tout faire à votre place. Le freelancing a le vent en poupe, et cette entraide au sein de la communauté des travailleurs indépendants fait plaisir à voir.
Mobile-first 😱
Shine s’est lancé avec des applications mobiles (iOS et Android), sans volonté manifeste de faire une version web/desktop au départ. Si les tâches passives comme la consultation de son compte passent plutôt bien en mobilité, j’ai quand même toujours du mal à me sentir efficace sur mobile dans des tâches plus actives — et professionnelles de surcroît — comme l’édition ou l’envoi d’une facture.
Je suis sans doute plus desktop-first que la moyenne, mais je ne suis visiblement pas le seul que ça dérangeait. Les multiples « À quand la version web ??? » doivent encore résonner dans la tête des employés de Shine, tant cette demande leur a été rabâchée par la communauté.
La version web tant attendue a fini par arriver en juillet 2019.
Cette version bêta est relativement dépourvue en fonctionnalités par rapport à l’app mobile. Pour le moment, on a juste accès à la chronologie des transactions sur son compte. C’est déjà bien, car ça permet d’associer beaucoup plus rapidement les factures/reçus à chaque transaction. Quand on a l’habitude de gérer ça efficacement depuis un ordinateur (merci Alfred et le glisser-déposer), c’était un enfer d’avoir à le faire sur mobile.
J’ai quand même hâte qu’ils ajoutent plus de fonctionnalités à cette version web, notamment la gestion des clients et des factures. Ce sera tellement plus efficace que sur une app mobile !
En tout cas, malgré ce choix contestable du mobile-first pour gérer des tâches administratives, je suis plutôt satisfait de Shine. S’il manque encore un peu de maturité dans l’ensemble, leur produit est sans commune mesure avec les offres abyssales des banques traditionnelles. Et le travail de vulgarisation qu’ils font sur l’administratif est tout à fait remarquable.
Bref, si vous êtes freelance et que vous utilisez encore sur une solution bancaire archaïque, Shine est un bon moyen de renouer avec le monde contemporain. Je ne regrette pas.
- Shine (iOS, Android, web) • https://shine.fr
- Compte bancaire pro pour freelance.
J’utilise depuis 2018.Passage chez Qonto en 2021.- Alternatives : Qonto, ManagerOne, Tiime, Holvi, Anytime, N26 Business, Finom.
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